Jean-Charles André, Conseiller communal à Ormont-Dessus, a fait un plaidoyer plutôt original en faveur du oui, lors de la séance du Conseil communal d’Ormont-Dessus, consacrée, entre autres, à la fusion. Nous ne résistons pas au plaisir de vous communiquer ce bon morceau de bravoure.
Monsieur le président,
A tous ceux qui sont, «ni pour, ni contre, mais bien au contraire», concernant le projet de fusion de nos communes, je voudrais nous encourager, en tout cas au niveau du conseil communal, d’accepter ce projet de fusion, pour que, dans un premier temps, cette décision puisse être une décision de fond, c’est-à-dire, que la possibilité soit donnée à tous citoyens de nos deux communes, de s’exprimer lors d’un vote populaire en Novembre. Si les conseils communaux refusent ce soir ce préavis, jamais les citoyens ne pourront se prononcer. (Préavis qui fut donc accepté par les deux conseils communaux, le jeudi 03.07.2014)
Mais je voudrais aussi nous rassurer tous, qu’en cas de fusion, rien ne sera modifié quant à l’identité de chaque lieu, de chaque village, de chaque hameau etc. et même bien au contraire, ces identités se trouveront renforcées,
- La Forclaz aura toujours son four à pain, et tout ce qui tourne autour ; elle aura toujours sa traditionnelle « désalpe » au mois d’août.
- Les Mosses resteront toujours le pôle reconnu loin à la ronde « du Sport Nordique ».
- Le Sépey sera toujours ce qu’il est train devenir, c’est-à-dire un centre administratif, et scolaire.
- Vers-L’Eglise, sera toujours ce joyau d’authenticité et d’histoire, avec son temple, sa cure et son musée.
- Les Diablerets, offriront toujours de multiples possibilités de sports « plus alpins », autant en été qu’en hiver, dans son majestueux écrin de beauté.
Non rien ne changera,
- Le lac Retaud se blottira toujours contre la Palette d’Isenau, comme le lac Lioson contre le pic Chaussy, et jamais le contraire ne se produira.
- Le célèbre glacier des Diablerets, n’ira jamais prendre la place, des non moins célèbres marais des Mosses.
- Les Forclains et Voëttes-namiens, resterons sur leurs territoires respectifs.
- Tous les Oguey, Pittet, Nicollier, Pichard, et j’en passe… que compte la vallée, ne seront jamais déracinés de leurs lieux…
- Et puis surtout, les habitants des Diablerets, pourront toujours trouver à notre maison de commune, de quoi régler leurs affaires administratives courantes.
Non, à l’interne, pour nous autres, rien ne changera. Par contre, vu de l’extérieur, c’est là que notre fusion créera un plus.
Pour Lausanne, pour Berne, pour les instances touristiques cantonales, pour le département des transports en tout genre, nous créons par cette fusion, un seul et unique interlocuteur, fort, déterminé, défendant avec force ces atouts qui sont, notre diversité et notre complémentarité, caractérisant notre vallée.
En conclusion, je nous invite tous, à accepter donc ce préavis, et en plus, d’en parler positivement autour de nous.
Vers-L’Eglise, le 03.07.2014
Jean-Charles André
Mon Cher Jean-Charles,
Il m’aurait été plus facile de répondre à ta brillante démonstration si tu avais été un être dont la pensée gauchisante (si l’on peut parler de pensée !) gérait ta manière de vivre, si ton travail d’employé syndiqué te permettait toutes les raisons de manifester, brandissant ton calicot bourré de fautes d’orthographes, un premier mai, Fête du travail chômé, de bénéficier à tort d’une rente d’invalidité de ton pouce coincé là où il ne faut pas. Heureusement, tu n’es rien de cela ! Oui, il m’eût été plus facile de t’expliquer pourquoi je ne suis pas du tout favorable aux fusions de ce type. Loin de moi l’idée de me renfermer sur moi-même et mes petits privilèges de nantis, je suis foncièrement pour les collaborations de toutes sortes, les synergies, les échanges.
Malheureusement, où le bât blesse, rendant la vie de moins en moins agréable, c’est qu’une fusion a une forte tendance à éloigner de toi, un peu plus, la responsabilité individuelle, sans laquelle rien n’est possible. Depuis bon nombre de dizaines d’années, je constate avec effroi, le report de sa propre responsabilité, d’abord sur sa Commune, celle-ci se déchargeant sur un Etat centralisateur, fort de lois provenant de la Capitale fédérale, et maintenant de plus en plus évincées par de très hauts fonctionnaires (je ne parle que de leur salaire et de leurs privilèges !) tout aussi irresponsables, logés à Bruxelles ou à Strasbourg.
Dans la très petite mesure de mes moyens, j’ai toujours voulu assumer mes problèmes et mes difficultés. Très rapidement, comme toi, je me suis retrouvé indépendant, sans beaucoup de droits, mais submergé par les devoirs. Mais entre cette situation et devenir un pion manipulé plus ou moins consentant, ma conception de mon rôle d’homme ne permettait aucun choix. Petit homme peut-être, mais homme un peu plus libre de s’assumer. La vie est une grande série de combats, ce sont les grandes défaites qui t’aident à grandir et à mûrir, les petites victoires t’asseyent sur ton trône d’homme responsable.
Je sais que nous ne sommes pas tous égaux, et il faut l’admettre, mais je suis convaincu que plus tu exiges de toi-même, plus tu peux t’améliorer, le contraire restant malheureusement valable. Une partie de la population bénéficie, c’est regrettable, de la facilité de la vie dans notre Pays bienheureux. Depuis les années soixante, la plupart des enfants ont tout reçu, l’indispensable, le nécessaire et le superflu. J’entends des gamins râler car leurs vêtements ne sont pas de marques, leurs skis de l’année précédente. L’effort pour obtenir chaque centimètre supplémentaire, chaque performance améliorée devient hors de portée.
Depuis 1964, année de mes vingt ans, je me dis que notre civilisation prépare la génération des sous-hommes, êtres inférieurs à qui une minorité dictera sa vie, des larves que l’on gavera de nourriture pré-mâchée et d’émissions télévisuelles aussi débiles qu’avilissantes. Depuis bien des années, je m’imagine une planche en pente, bien glissante qui nous conduit inexorablement vers notre rôle d’esclave moderne, de robot sans esprit critique et sans volonté. Je trouve cette direction insupportable, et bien éloignée de l’idée du bonheur de vivre que je me suis toujours faite.
Néanmoins, je sais que nous sommes entrés dans le couloir obligé des fusions antinomiques, des mariages de désamour comme celles de nos moyens de remontées mécaniques et de nos Offices du Tourisme. Je sais que nous ne voulons avoir le choix des partenaires, ceux avec lesquels nous aurions envie de collaborer. Non, nous préférons nous faire imposer les vecteurs de notre propre destruction par un Etat sortant du même moule du petit irresponsable peu concerné. Consternant !
Mon Cher Jean-Charles, excuse mon long verbiage parfaitement inutile, il m’a libéré, et crois-moi, j’aurais pu encore développer longuement.
Bien à toi et excellentes fusions !
Jean Lugrin
Commune des Ormonts, hahaha !