Il était une fois… toutes les histoires commencent toujours par «il était une fois»… un petit garçon prénommé Jean.
Il y a quelques années ou décennies, peu importe, le pasteur d’un village de montagne l’avait trouvé, bien emmailloté dans une bonne couverture, près du poêle dans l’église, posé sur un banc. Il avait à peine quelques jours. Le pasteur fut quelque peu surpris par ce cadeau tombé du ciel, mais il se dit: «on verra bien!»
En attendant, il le confia à la vieille Marie, sa gouvernante, et comme jamais personne ne vint le réclamer, l’enfant resta auprès de cette famille choisie pour lui.
On l’appela Jean de Guérin. Jean, car c’était le jour de la Saint-Jean que le pasteur le découvrit, et comme cela ne suffisait pas, on y ajouta le nom du village.
Bien qu’orphelin, il était pleinement heureux. Il avait autant de mamans et de papas que le village comptait de femmes et d’hommes et tous les enfants le considéraient comme leur frère.
Depuis tout petit, il adorait se rendre chez le grand-père. Il habitait un peu à l’écart du village, dans une petite maison, vivant modestement tout en fabriquant de merveilleux objets issus de simples bouts de bois. Mais sa vraie vie, le grand-père la vivait la nuit, quand le ciel était dégagé et brillait de mille feux. Il se perdait alors dans les étoiles!
Il les connaissait toutes. Toutes avaient un nom. Et le petit Jean ne se lassait jamais d’écouter leurs histoires magiques. Il passait ainsi des heures aux côtés du grand-père à scruter les secrets du ciel.
Mais bientôt, ce sera Noël, et la plus belle des étoiles, celle du berger, dominera toutes les autres …
La veille de la nuit tant attendue, comme à son habitude, Jean se rendit chez son grand ami et le trouva assis dans son fauteuil, mais tournant le dos à la fenêtre.
– Et bien, grand-père, que se passe-t-il, vous êtes malade ?
– Non mon garçon, ce sont mes yeux. Ils sont trop vieux, trop usés. Ils ne voient pas plus loin que le fond du jardin.
Jamais plus, je ne verrai les étoiles. Heureusement, il me reste ma mémoire et toi, tu seras toujours là pour me les raconter.
– Bien sûr, grand-père, que je serai là, ne vous inquiétez pas!
Il s’assura que le grand-père ne manquait de rien, lui mit une couverture sur ses vieux genoux et sortit dans la nuit.
Il se dirigea vers l’église, y entra et vit le sapin décoré. Tout en haut, on avait fixé l’étoile, celle que l’on ressortait tous les ans, belle, grande, recouverte d’or fin.
Il pensa: si le grand-père ne peut plus voir les étoiles dans le ciel, il pourra voir celle-là!
Mais comment faire? Le sapin est bien trop haut ! Il prit un banc, y posa une chaise… encore un autre siège… il manquait encore un petit bout. Peut-être qu’avec la Bible… il se sentit un peu confus, mais tant pis, il prit la Bible et… grimpa. Il décrocha l’étoile avec d’infinies précautions, remit tout en ordre et, satisfait, s’en alla sans bruit.
Il n’avait pas vu le pasteur qui, dans l’entrebâillement de la porte de la sacristie, avait suivi toute la scène. Il connaissait bien son petit, et pas une seconde il ne pensa à mal. Il savait que si Jean prenait l’étoile, ce n’était pas dans de mauvaises intentions.
Il le suivit, et lorsqu’il vit le petit garçon suspendre l’étoile dans le sapin du jardin du grand-père, il comprit, et l’un de ses chauds sourires dont il avait le secret illumina son visage.
Le lendemain, jour de Noël, les enfants du village s’éveillèrent plus tôt que d’habitude. Ils étaient impatients de découvrir leurs cadeaux. Celui-là recevait enfin sa voiture de pompier, la petite Jeanne berçait tendrement sa poupée, pour le petit dernier de la maison d’à côté, un joli ours en peluche… et plein d’autres encore !
Même Jean ne fut pas oublié. Il reçut sa première montre. A dix ans, c’est normal, on devient grand, on doit connaître le temps.
Avec ses économies, Jean avait acheté une paire de mitaines au grand-père. Il avait toujours si froid aux mains quand il taillait ses bûches. Il lui avait aussi préparé un beau dessin, avec de belles couleurs qu’il pourrait voir. Il représentait un petit garçon donnant la main à un vieux monsieur, et tous les deux regardaient le ciel et comptaient les étoiles.
Mais il espérait surtout qu’il verrait SON étoile !
La nuit venue, il se rendit chez le grand-père, et le trouva debout regardant par la fenêtre. A son sourire, Jean savait qu’il avait vu son étoile !
– Merci, mon enfant, je sais que c’est toi qui l’as mise là. Mais je la reconnais, c’est celle de l’église. Que va dire le pasteur… et les gens ?
En guise de réponse, ce fut le chant de tous les villageois qu’il entendit. Ils étaient tous là, petits et grands, jeunes et vieux.
Le pasteur leur avait expliqué que ce soir, ce serait un Noël un peu différent. Que puisque l’étoile avait préféré le jardin du grand-père à la chaleur de l’église, on irait là où elle avait choisi d’être.
Et c’est ainsi que cette veillée de Noël fut célébrée sous des millions d’étoiles, dans un petit jardin, à l’écart d’un village.
Les cloches de l’église se mirent à sonner, comme pour dire qu’elles étaient d’accord.
Ce fut le dernier Noël du grand-père, mais longtemps encore, on se rappela ce Noël un peu particulier.
Marinette Tille
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