À Monsieur Ludwig van Beethoven, hôte du Festival Musique et Neige

Photos Jean Lugrin

À force de te côtoyer de très près et si souvent, je m’octroie le droit de te tutoyer, me considérant comme ton ami proche, fidèle et reconnaissant.

Je ne me lasse pas d’entendre tes sonates pour piano. Je me dis que si tu n’en avais écrit qu’une seule, tu compterais parmi les génies de l’humanité, alors avec trente-deux, imagines-tu la grandeur que tu représentes ? Toutes méritent la découverte. Les découvertes, devrais-je dire, car à chaque écoute, tel détail se révèle, telle originalité supplémentaire saute aux oreilles, tels sentiments intérieurs font surface. A chaque fois, c’est la modernité de ton oeuvre qui éclate. Que tu as dû te sentir seul, entouré de quelques snobs, mais surtout d’ignares intransigeants, qui se permettaient des critiques aussi stupides qu’infondées. Si cela peut te rassurer, deux cents ans plus tard, si toi, tu fais l’unanimité, bien d’autres compositeurs d’aujourd’hui vivent la même solitude, et sont confrontés à l’ignorance et l’incompréhension de leurs semblables.

Notre petit Festival bat son plein, tant par l’affluence des auditeurs que nous cherchons à asseoir, tant l’affluence est grande, que par la qualité des interprétations. Ce soir, le Trio Modigliani dont le pianiste, malade, est remplacé par une légende vivante Bruno Canino. Ces messieurs jouent d’abord le Trio pour piano et cordes en ré mineur de Schumann, autre compositeur que je vénère, puis nous entendons ton Trio en si bémol majeur op. 97 «A l’Archiduc». Même génie que dans tes sonates, mêmes inventions, même modernité, même musique d’une intériorité évidente, mêmes surprises harmoniques, même bonheur. Tu as le don de voir l’avenir, la postérité t’appartient, tu as aussi les dons du guérisseur. Si tu n’étais pas né à Bonn mais à Bonkoukou, tu aurais été sorcier-compositeur, car pour moi, nombre de plaies de tristesse, nombre de fractures sentimentales ont été apaisées par tes notes, tes accords, tes mélodies. Dans ton genre, et certainement malgré toi, tu soignes ma dépression, tu atténues mes souffrances, tu mets du baume sur mes abcès de folie. Merci, Ludwig !

Jean Lugrin

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